Homélie de Mgr Bacqué pour la Saint Josémaria

Pour continuer de vivre la joie du 26 juin, nous proposons à votre lecture l’homélie de Son Excellence Mgr François Bacqué, Nonce Apostolique, prononcée en l’église Saint Seurin à Bordeaux, le vendredi 17 juin.

Basilique Saint Seurin à Bordeaux

Chers frères et sœurs en Jésus-Christ,

Tout d’abord, je voudrais remercier Mgr A. de Rochebrune, le Vicaire de la Prélature pour la France qui me donne l’occasion de célébrer avec vous la personne et l’enseignement du saint fondateur ainsi que M. le Curé de cette paroisse Saint-Seurin, Alain Dagron qui nous accueille dans sa belle basilique, qui est aussi celle de ma jeunesse et où j’ai reçu l'ordination sacerdotale il y a 50 ans, à quelques mois près.

L’Évangile que nous venons d’entendre, Saint Luc Chap. 5, la pêche miraculeuse, nous décrit l’appel des Apôtres.

Cet épisode fameux de la pêche miraculeuse et de l’appel des Apôtres pourrait s'appliquer à toute vocation, mais très spécialement au saint que nous célébrons ce soir, saint Josémaria Escriva de Balaguer.

C’est en pleine action de ceux-ci : ils sont descendus de leur barque et lavent leurs filets. Mais ils sont fatigués, car ils ont pêché toute la nuit sans rien prendre, ainsi que le rapporte Pierre au Seigneur Jésus. Pierre se trouve en difficulté, l’ordre du Seigneur « avance au large et jette les filets » contredit ce que son expérience professionnelle lui suggère. Et pourtant l'Apôtre d’ajouter aussitôt : « Mais sur ta parole je vais jeter les filets ». Pierre agit car il a foi dans la parole du maître et c’est de la part de Pierre un acte de foi qui dépasse tout raisonnement humain. Alors bientôt les filets déborderont de poisson, du renfort même sera nécessaire. Pierre tombe à genoux, confesse sa foi et son péché. Et Jésus lui dit alors: « Sois sans crainte, désormais ce seront les hommes que tu prendras ». Et Pierre, et avec lui, Jacques et Jean, laissent tout, leur cadre de vie, leur gagne-pain, et suivent le Seigneur.

Cet épisode fameux de la pêche miraculeuse et de l’appel des Apôtres pourrait s'appliquer à toute vocation, mais très spécialement au saint que nous célébrons ce soir, saint Josémaria Escriva de Balaguer.

Évoquons maintenant à grands traits notre saint et sa vocation. Il est né en 1902 dans une famille nombreuse, chrétienne, comptant plusieurs prêtres et religieuses. Famille aisée, puis connaissant des difficultés économiques. Il a une forte personnalité qui se manifeste de bien de manières, dans ses divers postes, vicaire, chapelain, menant de front des études juridiques. Josémaria se retrouve à Madrid, toujours en recherche de sa vocation propre, particulière. Il attend une réponse du Seigneur à sa demande priante : "Domine, ut videam": Seigneur, que je voie ! Il réalise des expériences pastorales diverses en des milieux différents. Il va bénéficier de faveurs divines. Par exemple le 2 octobre 1928, lors d’une retraite il reçoit, comme il l’a écrit, «l’illumination sur l’œuvre toute entière ». Josémaria comprend l’appel universel à sa sainteté et la réalisation de la vie chrétienne dans le monde à travers le travail, le travail professionnel. D’autres moments intenses interviendront, le 16 octobre 1931, alors qu’il se trouve dans un tramway à Madrid, il ressent l’action du Seigneur, il descend, il se met à marcher pendant des heures. En son cœur et sur ses lèvres, jaillit de manière presque irrépressible la tendre invitation. « Abba, Pater ». Il le dit, il le répète, il le dit à haute voix. Il commente : « les gens m’auront pris pour un fou. Cette vérité, ajoute-t-il, brûle mon âme comme un braise qui ne s’éteindra jamais. « Abba Pater ! ».

Car Saint Paul, dans l’Épître aux Romains, la seconde lecture de cette messe, illustre ce que ressent notre saint : « L’Esprit de Dieu, que vous avez reçu ne fait pas de vous des gens qui ont peur, c’est un Esprit qui fait de vous des fils. Poussés par l'Esprit, nous crions vers le Père en l’appelant Abba. L’Esprit affirme à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu et si nous souffrons avec lui, c’est pour être avec lui dans sa gloire ».

Et ceci s’applique exactement à Josémaria. La souffrance…. C'est la révolution en Espagne. En 1931 la République est proclamée, bientôt nombre de couvents et d'églises sont incendiés. Un gouvernement d’anticléricaux et de maçons laisse faire. La presse se déchaîne et des lois anticléricales sont bientôt décidées. Josémaria est dans la triste obligation de revêtir des vêtements civils. Il doit emporter le Saint-Sacrement de la chapelle de la Fondation des Malades dont il s’occupe tant.

Mais Dieu trempe son âme dans la douleur, au milieu de ses épreuves, il reçoit des lumières nouvelles sur la doctrine et l’esprit de l’Opus Dei. Saint Paul nous disait à l’instant « si nous souffrons avec Dieu, c'est pour être avec lui dans la gloire ». Le rôle, l’importance du travail professionnel comme source de sanctification et d’apostolat lui devient évidente. Dans la prière d’ouverture de la messe, nous avons demandé au Seigneur qu’à l’exemple de Saint Josémaria prêtre, qui proclame l’appel universel à la sainteté et à l’apostolat, nous soyons configurés à son Fils par le travail quotidien et nous servions avec amour l’œuvre de Rédemption. Et dans la prière sur les offrandes, nous demanderons que, par le sacrifice de la Croix présent dans l’Eucharistie dans cette Messe, le Seigneur sanctifie tout ce que nous faisons.

Le pouvoir créateur de l’homme, qui coopère au pouvoir créateur de Dieu, est mis en valeur dans sa propre vocation humaine et professionnelle, en cherchant à réaliser une œuvre parfaite à offrir à Dieu. Nous réconcilions toute chose avec Dieu, nous devenons de la sorte un instrument d’apostolat. Ce n'est pas chose facile, certes. Nous devons être conscients de « notre faiblesse personnelle », comme dit le Père. Ne nous décourageons pas, remettons en nous au Seigneur, à condition, comme Josémaria l’a écrit dans ses méditations, « que le chrétien, qu’il travaille ou qu’il se repose, à tout moment, ait une vie dans laquelle Dieu est présent. Dieu sera proche de nous et nous coopérerons à son dessein de salut ». La constitution Gaudium et Spes du Vatican Il l’affirme : « Le message chrétien ne détourne pas les hommes de la construction du monde. ll leur en fait au contraire un devoir plus pressant ». Comme à Pierre, le Seigneur nous dit: « Avance au large et jette les filets pour la pêche ».

« Le message chrétien ne détourne pas les hommes de la construction du monde. ll leur en fait au contraire un devoir plus pressant »

Pour ce faire, le Père recommande la prière, en premier lieu et ensuite l’action. La fécondité de l’apostolat, la fécondité de la vie chrétienne se trouve dans la prière et une vie sacramentelle constante et intense, s’écriait saint Jean Paul ll lors de la canonisation du 6 octobre 2002. Nous nous souvenons tous de cette extraordinaire cérémonie et de cette prière silencieuse et intense de centaine de milliers de personnes sur la place Saint-Pierre. Un cardinal de la curie me disait alors : « Jamais je n’ai entendu un tel silence ».

C’est le secret de la sainteté et du vrai succès de saint Josémaria. La prélature de l’Opus Dei en est aujourd’hui la magnifique illustration. Lors de mes fonctions de par le monde j’ai connu la Prélature au Portugal, au Chili, à Saint-Domingue, aux Pays-Bas, à Rome et bien sûr en France : universités, collèges, hôpitaux, centre spirituels, directions spirituelles, confessions, séminaires, vocations sacerdotales, de nombreux numéraires et surnuméraires sont entre autres les fruits de la sainteté de saint Josémaria.

Chers frères et soeurs, qu’intercède pour nous Marie, celle que notre saint appelait, Spes nostra, notre Espérance, Sedes Sapientiae, Siège de la Sagesse, Ancilla Domini, Servante du Seigneur pour réaliser en nos vies cette idéal de sainteté. Amen.

Mgr François Bacqué, Nonce apostolique

Voir aussi l'homélie de Mgr Ravel, Évêque aux armées, prononcée à Paris, le 22 juin 2016.