La fête de l’Épiphanie

L’Épiphanie est la « manifestation » du Sauveur aux nations païennes dont les Mages sont les prémices : une fête dont le faire-part reproduirait ce message de Dieu aux hommes : « tous, vous êtes conviés au ciel » !

On n’en finit pas de décrypter le mystère qui entoure ces acteurs atypiques de la Nativité qui, tout à coup, font irruption sur la scène du Salut. Dans son dernier ouvrage surL’Enfance de Jésus, Benoît XVI retient à leur sujet l’hypothèse d’astronomes babyloniens qui auraient reconnu dans un phénomène lumineux inhabituel l’astre du roi des Juifsdévoilé par la prophétie de Balaam[1] mille ans auparavant : dans l’Ancien Orient en effet, les étoiles étaient considérées comme autant de signes de divinités et, par la suite, de rois divinisés. Pour ces savants de Mésopotamie, la course de l’étoile tint lieu de préambule de la foi. Cependant, ce « n’était pas une étoile ordinaire, ni même une étoile mais, sous cette forme extérieure, une vertu invisible qui se cachait»[2] : celle-ci les toucha au plus intime, ouvrit leur cœur à l’espérance d’une vie nouvelle, et les détermina au voyage.

Voici que des Mages venus d’Orient...[3]Mais Bethléem n’est-elle pas déjà une localité d’Orient ? L’Évangile veut donc nous dire qu’ils vinrent de plus loin à l’est : de la direction opposée à celle continuellement proposée par le professeur Tournesol de la bande dessinée[4]. Dans le sens qu’ils suivirent, non l’esprit du monde, mais le doigt de Dieu dans leur conscience. Voilà ce qui vient à notre âme du bout de l’Orient : la lumière de Dieu qui se lève[5] sur notre obscurité pour tenter de l’éclairer…, et qui y parvient chaque fois que nous nous efforçons de la refléter ; autrement dit, lorsque, par notre comportement, nous nous montrons capables de produire une autre couleur que le noir. L'une des révélations de Jésus à la jeune Catherine de Sienne est éclairante à ce sujet : « J’unirai la Lumière à la couleur de votre humanité. Pour « apporter de la couleur » à notre conduite, il faut sortir de la routine, s’extraire du ronron, renoncer au conformisme ; se laisser motiver, se fixer des objectifs de route, comme les Mages. En définitive, se laisser guider par le Saint-Esprit, Digitus paternae dexterae[6], « Doigt de la puissance divine », c’est-à-dire Esprit de force, et Lumière de nos cœurs. « De là ce cri continuel des saints vers Dieu : lumière ! Lumière ! Envoie ta lumière[7]. Éclaire ma ténèbre[8]. Ouvre mes yeux [9] ! Car, sans la lumière de l’Esprit Saint, impossible d’éviter les précipices de la route, impossible d’arriver jusqu’à Dieu »[10].

« Aujourd’hui, Seigneur, tu as révélé ton Fils unique aux nations, grâce à l’étoile qui les guidait »[11]. Sur le chemin des Mages, l’étoile s’est parfois montrée fugace. Comme eux néanmoins, soyons des chercheurs de Dieu. L’Épiphanie n’est pas un phénomène sidéral, mais une réalité tout intérieure : la mystérieuse rencontre de l’intelligence et du cœur humain avec la douce clarté de laquelle le nouveau-né nous appelle: « Près du feu qui s’endort doucement / Cette nuit une étoile luit / Là où l’Enfant descendit[12]. Il nous tire à lui par une de ses secrètes lumières qui  nous parlent au cœur. Quoi de plus secret en effet, et de plus attirant qu’un scintillement ? C’est un clin d’œil qui sollicite et,  à la fois, respecte notre liberté : Voici que je me tiens à la porte et je frappe : si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui pour souper. Moi, près de lui, et lui près de Moi[13].

 

Abbé Pégourier [1]              Cf. Nb 22-24.

[2]              Saint Jean Chrysostome, in Matth. Hom. VI, 2.

[3]              Mt 2, 1.

[4]              Cf. Les aventures de Tintin. [5]              Mt 2, 2.

[6]              Hymne Veni Creator. [7]              Ps 43, 3.

[8]              Ps 18, 29.

[9]              Ps 119, 18.

[10]            Saint Alphonse de Liguori.

[11]            Prière d’ouverture de la solennité.

[12]            Cantique Douce nuit, sainte nuit. [13]            Ap 3, 20.