Prier Jésus en Carême

Nous vous proposons une réflexion de l'abbé Antoine Fernandez sur une dimension essentielle du carême : la prière.

A l’issue de ses exercices spirituels, Benoît XVI remercia le prédicateur d’avoir « enseigné comment le sang de Jésus était, par sa prière, ‘oxygéné’ par l’Esprit Saint ». Créé à l’image de Dieu, le cœur de l’homme a, lui aussi, besoin de l’oxygène de la grâce ; créé à l’image du Christ, le cœur du chrétien doit battre à l’unisson avec le Cœur de Jésus.

L’art de la prière

Dans les premiers siècles du christianisme, le carême conduisait les candidats au baptême vers la prière personnelle. Ils apprenaient par cœur le Notre Père et ils rentraient dans la prière liturgique.

De nos jours, le carême s’adresse également aux baptisés, leur proposant un recyclage intérieur. Ce carême 2008 ne pourrait-il pas nous permettre de redécouvrir « l’art de la prière », que Jean-Paul II proposait comme un objectif majeur pour le troisième millénaire ?

Dialoguer avec le Christ, à l’image de Marie

La première prière chrétienne a été assurément celle de Jésus lui-même à partir de son incarnation.

Devenu adulte, les prières du Christ au désert, au cénacle ou sur la croix, n’ont fait que développer l’expérience de son Cœur, qui contemple le Visage du Père de toute miséricorde. Ces paroles de Jésus ont ouvert la voie aux nôtres.

Mais c’est Marie la première à avoir prié le Christ : quelle mère ne dialogue pas avec son enfant avant la naissance ? Quelques mois plus tard, le Magnificat synthétisera l’ébullition de la prière mariale. Saint Ambroise nous invite à avoir, dans notre prière, « la même grandeur d’âme que celle de Marie ».

Si Jésus reste le modèle plénier de la prière, y compris « pour les nuls », ses disciples peuvent aussi nous apporter de l’aide. L’année paulinienne, qui débutera dans quelques mois, nous rappelle la remarquable proximité de la prière de l’Apôtre Paul avec celle du Christ (dans le Jardin des Oliviers), notamment dans l’usage inchangé de l’araméen « Abba », que les enfants adressaient avec tendresse à leur papa. Un vocatif enfantin exprime un divin sommet.

La grammaire de la prière

Comme pour tout dialogue, l’art de la prière passe par une « grammaire ». Sa clé en est le cœur de l’homme, source des désirs et souvent aussi des paroles. Sa garantie est la présence de l’interlocuteur divin, qui reste à l’écoute — allô ! Jésus – 24 heures sur 24, avec une couverture mondiale…

A la question des incrédules : Où est ton Dieu ?, le croyant répond que Dieu est à la portée de notre cœur. « Nous avons toujours la possibilité de prier, chaque fois que nous le voulons » disait saint Alphonse. Benoît XVI, dans son encyclique sur l’espérance, martèle : « Si personne ne m’écoute plus, Dieu m’écoute encore. Si je ne peux plus parler avec personne, je peux toujours parler à Dieu » (§32).

Notons que l’on ne prie pas aux idées ni aux énergies anonymes du cosmos : ce serait se prier soi-même, dans un monologue étouffant. On prie le Dieu vivant, le Dieu d’Abraham et du buisson ardent.

A partir de là, la prière englobe toute notre vie : on adore, on remercie, on demande le pardon ou le soutien. La prière remplit l’univers, car nous faisons partie d’un peuple de priants : les saints du ciel, les âmes du purgatoire et, dans ce monde, l’Église.

Les balbutiements

Certains ont vu dans les Psaumes de l’Ancien Testament les rudiments du dialogue avec le Très-Haut.

Plus proche de nous, le Notre Père ou « prière du Seigneur » déclenche le dialogue avec la déclinaison des « tu », « ton », « tien » : Je suis à Toi, je t’adore, je cherche ton visage, j’aime la gloire qui est la tienne… De nos jours, on parlerait de SMS avec un forfait illimité. Anciennement on parlait des oraisons jaculatoires, qui frappent le Cœur du Sauveur dans une blessure d’amour, et en font jaillir un jet de grâce.

Un « miserere» (prends pitié) contrit peut toujours aboutir à la joie d’un « sursum corda » (haut les cœurs). Et le mystique contemporain d’ajouter : « Profites-en, et lorsque chaque jour le Seigneur te relève, embrasse-Le de toutes tes forces et mets ta pauvre tête sur sa poitrine déchirée, pour que les battements de son Coeur très aimable achèvent de te rendre fou. » (saint J. Escriva, Chemin §884)

Ensuite chacun pourra réciter des formules, méditer chaque jour pendant quelques minutes, faire des récollections et des retraites, devenir contemplatif, y compris au milieu du monde. L’encens brûlé monte vers le haut : pareillement, la prière s’élève jusqu’au trône de la Trinité pour y apporter le parfum du chrétien.