Un amour plus fort : l’intérêt des difficultés

"Certes, qui aime devient vulnérable, mais, dans un véritable couple, cette vulnérabilité est réciproque et peut donc être assumée sans crainte". Cet éditorial sur l’amour humain nous aide à bien comprendre qu’une histoire d’amour est aussi faite de moments difficiles.

" Appelés à sanctifier leur couple et à s’y sanctifier, les conjoints commettraient une grave erreur s’ils bâtissaient leur vie spirituelle en marge de leur foyer et en lui tournant le dos ". [1].

Personne ne se marie pour se séparer. Personne ne met un enfant au monde pour le rendre malheureux. Mais la réalité nous montre tous les jours des situations difficiles, non voulues, qui semblent contredire des prémisses aussi évidentes que celles que nous avons énoncées.

Un choix vertigineux

Se marier pour toujours n’est certes pas un choix facile. Comme tout engagement définitif, cela produit un vertige existentiel. Cependant, dès que l’on fait ce choix sciemment et avec détermination, ce vertige disparaît et se transforme en sécurité, en une source de joie.

La liberté s’est prononcée et l’esprit attentif découvre alors un nouvel horizon : se tourner vers le passé, penser à ce qu’on a laissé derrière soi, n’a plus de sens. L’âme éprise est pressée de connaître ce panorama de croissance personnelle qu’elle vient de découvrir.

Nous tenons désormais les rênes de notre amour, sans l’abandonner au gré des circonstances. Bien évidemment, il ne s’agit pas d’un parcours sans écueils. Les difficultés sont à prévoir. Ceci dit, après un oui qui n’admet pas de retour en arrière, l’on ressent aussi le courage pour y faire face. La vie a désormais un sens, on découvre une nouvelle mission qui projette une lumière inédite sur toute notre existence.

après un oui qui n’admet pas de retour en arrière, l’on ressent aussi le courage pour y faire face.

D’aucuns craignent ces difficultés et s’emploient à ne pas aimer avec cette profondeur. Cela se comprend. L’amour est paradoxal puisque, d’un côté, il nous rend forts devant le doute, les obstacles et les conflits éventuels, mais, de l’autre, il nous rend fragiles, il met à nu nos points faibles.

Qui aime s’expose à la souffrance car ceux que nous aimons peuvent aussi nous faire souffrir.

Certaines techniques, voire des philosophies orientales, envisagent une autre issue: «s’appliquer à ne rien sentir pour ne point souffrir». Et pourtant, le bonheur ne se réduit pas à l’absence de souffrance.

Qui aime s’expose à la souffrance car ceux que nous aimons peuvent aussi nous faire souffrir (...) Et pourtant, le bonheur ne se réduit pas à l’absence de souffrance.

Certes, qui aime devient vulnérable, mais, dans un véritable couple, cette vulnérabilité est réciproque et peut donc être assumée sans crainte. Je me donne à mon conjoint, je sais que mon conjoint se donne à moi.

« des hommes et des femmes suffisamment courageux pour porter ce trésor dans ‘les vases d’argile’ de notre humanité », sont « une ressource essentielle aussi bien pour l’Église que pour le monde »

Ma vulnérabilité reprend des forces entre ses mains et son don devient fort dans les miennes.

Pour surmonter les difficultés dans le couple, il faut tout d’abord ne pas s’étonner qu’il puisse y en avoir. Notre amour doit, tôt ou tard, défricher ce terrain-là. Tout comme dans une randonnée en montagne, le sommet est connu et les difficultés sont envisagées dès le départ. Le défi consiste à les surmonter intelligemment et avec force. Ceux qui envisagent de la sorte leur mariage, « des hommes et des femmes suffisamment courageux pour porter ce trésor dans ‘les vases d’argile’ de notre humanité », sont « une ressource essentielle aussi bien pour l’Église que pour le monde », selon les mots du Pape François [2].

Les difficultés pouvant survenir dans le couple et dans la famille sont de trois types : celles qui proviennent de l’environnement, des enfants, et du couple lui-même. Dans les trois cas, je suggère la même solution : l’unité. L’unité familiale, l’unité matrimoniale et l’unité personnelle sont les réponses pour y faire face.

Difficultés de l’environnement : unité familiale

L’environnement, c’est-à-dire le milieu proche mais différent de la famille intime, avec les problèmes de travail, les soucis financiers, la maladie des parents, les mésententes familiales ou entre amis.

Dans une famille, les joies se multiplient et les peines se divisent.

L’unité familiale est le critère sûr pour faire face à ces difficultés diverses pour lesquelles il n’y a pas de solutions uniques. Les intégrer dans la dynamique familiale est donc la meilleure façon de les affronter. Il ne faut surtout pas permettre qu’elles agissent comme un facteur extérieur de déstabilisation personnelle.

Dans une famille, les joies se multiplient et les peines se divisent. Quand la menace est extérieure à la famille, c’est la famille au complet qui doit y faire face. Chacun doit apporter son soutien, à son niveau et avec sa façon de voir. L’unité familiale est ainsi la limite et le critère préalable à toute solution ou à toute prise de position envisageable.

Bien souvent, ces difficultés offrent une occasion particulièrement propice à l’éducation des vertus essentielles pour la croissance personnelle: la confiance, l’humilité, la sobriété, l’entraide, etc.

Difficultés des enfants : unité dans le couple

Quand ce sont les enfants qui créent des problèmes, la solution tient toujours à l’unité du couple. En effet, durant de longues périodes, les enfants peuvent être une source permanente de conflit conjugal.

Sans aucun doute, l’amour mutuel des parents est primordial pour rassurer l’enfant et l’orienter.

Face aux difficultés avec les enfants, notre conjoint doit devenir l'objet de nos meilleurs soins. L’amour conjugal doit alors croître pour que, quoiqu’il arrive, l’enfant perçoive, le plus nettement possible, l’amour des parents entre eux, et, naturellement, l’amour qu’ils lui portent. C’est le chemin le plus sûr pour l’aider à dépasser son problème personnel.

Toutes les autres solutions (les conseils, les techniques, le dialogue permanent dans le couple, l’engagement mutuel, l’analyse sereine, l’aide de professionnels, etc…) découlent de cette priorité. Sans aucun doute, l’amour mutuel des parents est primordial pour rassurer l’enfant et l’orienter.

Si les enfants perçoivent cette priorité nettement et sans équivoque (ton père passe en premier, ta mère d’abord), les bases sont jetées pour affronter efficacement tout type de problème.

Difficultés dans le couple : unité personnelle

“Mon plus beau cadeau de mariage fut la possibilité de me heurter en permanence à quelqu’un de proche et d’intime, mais en même temps, tout autre et résistant, quelqu’un de réel, en somme »[3], affirme C.S. Lewis. Il se peut qu’à un moment donné la relation conjugale se trouble, se durcisse. Parfois, la petite goutte qui fait déborder le vase peut déclencher une tempête. «Et le couple commence à se disputer, à pinailler…Mari et femme n’ont jamais raison de se brouiller. L’orgueil est l’ennemi de la fidélité conjugale»[4].

L’unité personnelle c’est l’authenticité de vie, l’intégrité de vie intellectuelle, volitive, émotionnelle et biographique. Face à toute difficulté conjugale, rejetons la tentation de rompre avec ce que nous sommes, ce que nous avons voulu être. Refaire sa vie, d’accord, mais avec notre propre matériau, non pas avec le matériau de quelqu’un d’autre.

L’orgueil est l’ennemi de la fidélité conjugale

L’engagement conjugal nous a foncièrement transformés et notre vie sans elle, sans lui, est désormais inenvisageable. Cela se passera ainsi, si nous prenons toujours du recul, avec magnanimité et générosité, quitte à faire un peu de cinéma dans son couple et àforcer le trait dans son don à l’autre lorsque le cœur n’y est pas. Saint Josémaria nous rappelait que le bon Dieu est le meilleur spectateur de cette comédie-là et, toutes proportions gardées, notre conjoint est le meilleur spectateur de notre humble interprétation, dans le cas qui nous occupe. Le cœur répondra à notre appel si nous y tenons.

Pour que l’amour devienne plus fort, il faut l’actualiser, choisir tous les jours ceux que nous aimons : l’ai-je aimé(e) aujourd’hui ? L’a-t-il/elle remarqué ? Puis, se regarder soi-même : nous sommes la seule personne en mesure d’améliorer les relations.

Qui doit faire le premier pas ? c’est celui qui perçoit le problème, à savoir, soi-même.

C’est à moi de changer et avec ce nouveau regard, c’est à moi de l’aider, elle/lui aussi, à le faire. Qui doit faire le premier pas ? La réponse n’a rien de nouveau : c’est celui qui perçoit le problème, à savoir, soi-même.

L’humilité et le pardon, une vertu et une conduite pour arriver à reconduire l’amour. L’humilité de reconnaître ses erreurs personnelles, pour demander de l’aide si besoin est, pour demander pardon, pour accorder ce pardon et pour accepter d’être pardonnés. Il s’agira d’un pardon humble, généreux, compréhensif et opportun, qui dit sans paroles : «J’ai besoin de toi pour être moi-même» (Jutta Burggraf)[5]

D’après Javier Vidal-Quadras


Photos: Ismael Martínez Sánchez


[1] Saint Josémaria Quand le Christ passe, 23

[2] Pape François, Audience générale, 6 mai 2015

[3] C.S Lewis, Apprendre la mort (A Grief Observed), 1961 édité à Paris : Éd. du Cerf, 1974

[4] Saint Josémaria, notes prises lors d’une réunion familiale, 1er juin 1974

[5] J. Burggraf, “Apprendre à pardonner”J. Burggraf, "Aprender a perdonar".Article publié dans la revueRetos del futuro en educación.Éditée par O.F. Otero, Madrid 2004